Les folies amoureuses
©Isabelle Chapuis
Les Folies amoureuses décline le thème de la très jeune adolescente refusant de s’unir avec un homme trois fois plus âgé qu’elle. Rappelant la tradition du charivari au Moyen-Âge et à l’époque moderne, l’histoire se rapproche des multiples canevas de la commedia dell’ arte et des opéras bouffes des XVIIe au XIXe siècle, comme l’histoire de George Dandin ou de L’Amour médecin de Molière, ou même comme l’intrigue de Don Pasquale de Donizetti bien plus tard. Dans Les Folies amoureuses, Albert, un tuteur jaloux, séquestre sa pupille Léonore avec la ferme intention de l’épouser. C’est sans compter Valcour, qui, secondé par son valet Crispin et par Lisette, la domestique d’Albert, va aider la jeune fille à se libérer. Le stratagème : faire croire à la folie de Léonore pour décourager Albert et permettre l’évasion de sa pupille.
Le titre de cet opéra bouffon nous annonce un divertissement anodin, où de jeunes gens trouvent l’amour au cours de multiples rebondissements drôles et sans conséquences. Le terme de “folies amoureuses” pourrait renvoyer explicitement à cet esprit de libertinage et d’érotisme présent en France à partir du règne de Louis XV.
Or, la lecture de la pièce de théâtre de 1704 et la découverte de la réécriture des airs proposés par Castil-Blaze posent aujourd’hui énormément de questions, et l’histoire en elle-même se révèle problématique. On sait qu’encore maintenant les termes d’“amour fou” ou de “folie amoureuse” sont utilisés dans certains discours misogynes justifiant une attitude criminelle envers les femmes : pendant longtemps, les féminicides ont été qualifiés de crime passionnel, de crime par folie amoureuse.
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Dans la pièce de Regnard et dans la compilation effectuée par Castil-Blaze, Léonore a 15 ans. Une toute jeune fille, une jeune adolescente se retrouve au cœur de cette histoire réunissant un homme sans doute trois fois plus âgé qu’elle, son tuteur, et deux hommes, son “amant” comme il est dit dans la pièce, et le valet de ce dernier, dans tous les cas majeurs, car indépendants financièrement, autonomes et en âge de se marier.
La différence d’âge entre les hommes de cette histoire et les deux adolescentes vient marquer cette histoire sous le sceau de ce que nous appelons aujourd’hui la pédocriminalité. C’est cet écart de lecture et d’appréhension, entre une pièce bouffe du tout début du XVIIIe siècle, sa réinterprétation au début du XIXe siècle et notre époque, sur lequel je souhaite travailler avec mon équipe.
Nous ne pouvons pas prendre en charge cette histoire et ce texte de l’époque moderne sans une distance critique, sans comprendre ce qui permettait à l’époque de rire d’une situation qui aujourd’hui est dénonçable et condamnable.
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Avec Les Folies amoureuses, nous souhaitons mettre en regard une œuvre du répertoire, dont les arguments ne peuvent plus être joués au premier degré, avec notre époque, car les parallèles avec le monde d'aujourd'hui sont nombreux et pertinents. C’est pour nous l’occasion de rendre hommage à une création artistique toujours libre et capable de réinterroger son patrimoine, pour à la fois réapprivoiser les partitions du passé et se projeter dans une société plus féministe, consciente des évolutions sociétales menées et encore et toujours à mener.
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Chloé Lechat - Raphaëlle Blin
​Équipe artistique
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Mise en espace, dramaturgie, décors et costumes
Chloé Lechat
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Dramaturgie musicale
Raphaëlle Blin
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Vidéo
Antoine Legardinier
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Conseil artistique et technique
Yves Jouen
DISTRIBUTION
Piano
Benjamin Laurent
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Léonore
Eduarda Melo
Lisette
Fiona McGown
Valcour
Fabien Hyon
Crispin
Aimery Lefèvre
Albert
Yuri Kissin
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